11 jours, c’est le temps qu’on a passé dans la ville d’Ushuaia, réputée la plus australe (càd la plus au Sud) du monde ; en fait les Chiliens font plus au Sud avec Puerto Williams mais c’est vraiment un village ! Une éternité quand on compare ce séjour avec nos autres destinations où l’on restait rarement plus d’une semaine, mais bien sûr il y a une raison... Si la plupart des touristes évitent cette ville, c’est qu’elle promet moins de paysages sensationnels qu’El Calafate (glacier Perito Moreno), El Chaltén (mont Fitz Roy) ou même Bariloche (les lacs). Située au bout des îles de la Terre de feu, elle est également difficile d’accès car on y vient en avion (pas donné) ou en bus mais c’est très long car la route empruntée vous oblige à sortir d’Argentine, rentrer au Chili puis en sortir et de nouveau passer en Argentine tout en traversant le détroit de Magellan ; plutôt laborieux donc. Ceux qui ont le temps auraient pourtant tort de se priver de cette escale et ceux qui veulent se marier encore moins : cette région est l’une des 3 du pays où 2 touristes peuvent s’unir, quelque soit leur sexe d’ailleurs. Venus en éclaireurs pendant 3 jours à la mi-janvier, on a consacré ce premier passage à nos démarches administratives, qui ont ressemblé au parcours du combattant. Etat civil-hôpital-police-état civil-autorité sanitaire-police-état civil puis le lendemain police-état civil-autorité sanitaire, voilà votre mission (si vous l’acceptez) pour s’entendre dire que ce passage n’était pas nécessaire. En effet les analyses de sang pré-nuptiales (rien de barbare ici, c’est la même chose en France) ne sont valides de toute façon que pendant une semaine et doivent être réalisées pendant les 7 jours précédant la cérémonie ; merci d’avoir prévenu…. Un bon moyen de tester ses motivations !
Mais ces 3 premières journées sont également le début de notre idylle avec cette ville si particulière, du charme désuet de ses rues en pente bordées de maisons en bois, ramassées sur elles mêmes pour mieux lutter contre le froid en hiver (et en été…) en offrant un sanctuaire douillet et familial. Ushuaia fut avant tout un port, escale obligée pour les bateaux de marchandises amenés à contourner le continent par le Sud. Expédition souvent terrible pour nombre de bâtiments qui se sont vus engloutis dans les tempêtes du Cap Horn, mais obligatoire jusqu’à la création du canal de Panama. La ville toute entière a connu une histoire épique : elle a été construite par les bagnards qui l’ont peuplée les premiers, puis habitée par les colons venus lutter contre les Indiens (qui n’hésitaient pas à les inscrire parfois au menu), le froid et bien sûr l’isolement. Le canal de Beagle et sa baie magnifique qui entoure la cité rajoute à l’exotisme du lieu (pas de palmier pour autant par ici), lui qui sépare l’Argentine du Chili dans un découpage quelque peu incongru. Ce qui n’a pas manqué de nous surprendre reste sans conteste le climat, source de pronostics toujours très hasardeux mais surtout d’un étonnement sans fin. Jamais nous n’avions été confrontés à des conditions si aléatoires et changeantes : les nuages poussés par un vent vorace peuvent en effet transformer une belle journée à l’état de souvenir en moins de temps qu’il n’en faut pour le décrire, puis vous rendre un soleil trônant dans un ciel bleu tout aussi vite. On nous avait prévenus qu’il pouvait y avoir les 4 saisons ici dans une seule journée, mais il faut le voir pour le croire. Rajoutez à cela des journées si longues que les levés et couchés de soleil paraissent interminables, et vous avez une petite idée de notre ressenti du bout du monde.
Après 1 an de vadrouille ce ne sont pas quelques fonctionnaires qui vont nous décourager et nous voilà de retour le 28 janvier pour finaliser nos démarches de mariage. Si lors de notre premier passage nous avions souvent été retoqués, baladés (voir les 2), les signatures officielles commencent à pleuvoir cette fois au moins aussi fort que les tampons et on sait déjà que rien ne pourra nous arrêter. Arrivés à 6 heures du matin pour faire nos analyses, la journée hôpital-médecin-hôpital-médecin-hôpital-médecin-autorité sanitaire-état civil nous offre le Graal : un certificat pré-nuptial rempli en bonnes et due forme, ainsi qu’une date et une heure pour s’unir civilement et en Espagnol ! Pour que la fête soit réussie, il nous manque nos 2 témoins envoyés spéciaux, j’ai nommé Emilie&Peio qui nous font l’honneur de leur présence. On retarde également nos excursions pour en profiter avec eux, même si lors d’une promenade à l’extérieur de la ville on a le bonheur d’admirer un couple de condors qui volent en cercles concentriques au dessus des plages de sable gris.
On ne se marie pas tous les jours et, dès le 31 janvier, on investit pour 2 nuits un hôtel de charme. Chambre spacieuse sous les toits avec vue sur le canal de Beagle, petit-déjeuner raffiné et ambiance cosy, service attentionné avec repassage de la chemise en prime, c’est du luxe pour nous, habitués aux dortoirs dans ce pays qui nous semble être le plus cher de tout notre périple. Le 1er février restera marqué d’une pierre blanche, puisqu’en présence d’Emilie&Peio, de 2 témoins volontaires d’Ushuaia, de l’officielle de l’état civil (Maria Lucia qui es-tu ?), de notre bienfaitrice Christina (elles sont fortes les Christines) et de Mauricio notre photographe amateur on s’unit dans un salon annexe de l’hôtel Canal Beagle, rue 25 de Mayo (voir article). L’ambiance est bonne enfant, quasi champêtre puisque nos témoins ont apporté de quoi faire un bon casse croûte, avec entre autres foie gras, vin blanc et champagne. Ce gueuleton improvisé se poursuit dans notre hôtel où, vissés à la baie vitrée, on attend l’éclaircie espérée pour réussir notre séance photos en fin d’après-midi. Las, on se rabat sur une petite sieste (qui peut en dire autant le jour de son mariage ??) pour laisser passer la grisaille au chaud.
Séance photos reportée mais pas le bon restaurant de gourmets que l’on a réservé sur les hauteurs de la ville. Coquilles St jacques, céviché, carpaccios de bœuf au parmesan, araignée de mer en sauce crémeuse (la spécialité de la ville, délicieux) et poulpe charnu, suivi d’un sorbet au champagne ou d’une douceur chocolatée, le tout arrosé de vin blanc, champagne et rhum vieux pour faire glisser !! Le lendemain, Emilie a quelque petits soucis passagers qui nous font re-découvrir l’hôpital, côté Urgences cette fois puisque c’est le seul endroit où l’on peut trouver des médecins le week-end. Le soir on a rendez-vous avec nos photographes à 18 heures et ils vont nous faire une belle démonstration de la ponctualité Argentine en se pointant à 20h30 comme si de rien n’était. La séance tourne au calvaire (mais là au moins il fait chaud !) jusqu’à 23h00 où, en chemise et robe au bout d’une jetée, on pense se congeler pour de bon. Une bonne crève et 1000 photos plus tard, les résultats sont là (un petit échantillon dans cet album) !
Vous l’aurez compris, en se mariant à l’improviste au bout du monde on a fait une croix sur le protocole. C’est pourquoi on fête notre enterrement de vie de jeune fille et garçon, tous les 4 deux jours après le mariage. Et là encore on a droit au grand jeu puisque, après nous avoir déguisés en pingouins, Emilie&Peio nous amènent faire un baptême de l’air dans la baie Golondrina ! De l’air il y en a et dans tous les sens, le yahourt du petit déjeuner a failli faire l’aller-retour, balancés que nous étions au gré du vent du Nord, qui descend en furie le long des pentes andines. Mais le spectacle est grandiose. Ushuaia la terrible nous offre une éclaircie somptueuse à peine le temps du vol, qui nous fait dominer des criques désertes, admirer des cimes enneigées et des îles superbement isolées ; on ressort secoués mais c’est inoubliable (merci à nos parents !). La journée se passe dans la peau d’un pingouin, on se réfugie dans l’ancien pénitencier devenu musée pour échapper à la pluie, à se faire photographier par les touristes étonnés. On finit le soir dans le Dublin Pub où en quelques tournées on revisite tout le continent : fernet branca Argentin, pisco sour Chilien (ou Péruvien c’est selon), Caïpirinha Brésilienne et Chivas Regal de par là bas. On soigne le rhume en désinfectant l’intérieur.
Même si les aléas du calendrier nous ont privés de visiter le parc national et le glacier Martial, on se rabat sur une belle excursion de 5 heures en bateau sur le canal. Dans un catamaran surchauffé on approche l’île des oiseaux qui abrite des centaines de cormorans puis un rocher peuplé de lions de mer aussi bruyants qu’imposants (surtout les mâles). On ne pouvait pas partir sans voir nos amis les pingouins et c’est chose faite quand on se pose sur une plage devant des centaines de petits pingouins de Magellan, mais aussi 1 pingouin royal (à ne pas confondre avec les Empereurs du film). On a adoré !!!
Voila, vous arrivez au bout de notre aventure (je vous passe le festin dans un « tenedor libre » le dernier soir, paradis des carnivores) à Ushuaia et en Argentine. Le lendemain on quitte aussi nos fidèles témoins dans l’aéroport de Buenos Aires (« Bye Bye, en Inglés ! ») qui partent vers Salta alors qu’on se dirige vers le Brésil ; mais pas pour longtemps, dans 8 jours on est de retour ! Encore merci pour toutes vos attentions. Les photos par ici, dans l’album Argentine à partir de la page 3.